Qu’est-ce qui vous empêche d’être dans votre état naturel ? Vous vous éloignez constamment de vous-même. Vous voulez être heureux soit en Permanence soit au moins pour tel instant précis. Vous n’êtes pas satisfait de vos expériences quotidiennes : il vous en faut de nouvelles. Vous voulez vous « perfectionner », vous changer. Vous projetez votre effort vers la réalisation d’un personnage que vous n’êtes pas. Voilà ce qui vous éloigne de vous-même…
La société vous a présenté l’idéal d’un homme parfait. Quel que soit le milieu culturel où vous êtes né vous disposez de doctrines scripturaires et de traditions que l’on vous met en main pour vous dire comment vous comporter. Vous avez des commandements à observer, des vertus à cultiver. On vous dit qu’à la faveur d’une pratique appropriée vous pouvez même parvenir à l’état réalisé par les sages, les saints et les sauveurs de l’espèce humaine… Et vous en venez à contrôler votre comportement et vos pensées et à devenir un être « dénaturé ».
Nous vivons tous dans une « sphère mentale ». Vos pensées ne sont pas votre propriété : elles appartiennent à tout le monde. Ce ne sont que des pensées mais vous créez une contrepartie : le « penseur » qui lit chaque pensée. Votre effort pour contrôler la vie a créé un mouvement secondaire de pensée en vous et vous l’appelez « JE ». Ce mouvement de pensée en vous est parallèle au mouvement de la vie mais il en est séparé, il ne peut jamais être en contact avec la vie. Vous êtes une créature vivante et cependant vous menez votre vie entière dans le domaine de ce mouvement de pensée isolé et parallèle. Vous vous retranchez de la vie – et c’est contre-nature.
L’état naturel n’est Pas un état sans pensée : c’est là l’un des plus grands canulars perpétrés des siècles durant à l’égard de pauvres Indiens sans défense… Vous ne serez jamais sans pensée tant que le corps ne sera pas réduit à l’état de cadavre, un cadavre très mort ! Etre capable de pensée est nécessaire à la survie. Mais dans l’état naturel la pensée cesse de vous étrangler ; elle revient à son rythme naturel. Il n’existe plus de « vous » pour lire les pensées et les prendre pour les « siennes ».
Avez-vous jamais observé ce mouvement parallèle de la pensée ? Les grammaires vous diront que JE est la première personne, pronom singulier etc. mais au fond ce n’est pas là ce que vous désirez savoir. Pouvez-vous regarder cette chose que vous appelez JE : c’est une notion très évanescente : observez-la maintenant, ressentez-la, touchez-la et donnez m’en des nouvelles. Comment l’observez-vous ? Et qui est cela en train de regarder ce que vous appelez JE. C’est là le problème crucial. Celui qui observe ce que vous appelez JE est effectivement le JE. Il crée une illusoire division de lui-même entre sujet et objet et c’est cette division qui lui confère une continuité. C’est en fait une nature divisionnelle qui opère en vous dans votre conscience. La continuité de sa propre existence est tout ce qui l’intéresse. Aussi longtemps que vous voudrez comprendre ce « vous » ou le transformer en une entité spirituelle, une entité sainte, belle ou merveilleuse, ce vous va continuer. Si vous ne vous souciez pas de l’entretenir, il n’est plus là, il a disparu…
Comment comprenez-vous ce que je viens de dire ? J’ai fait cet exposé à toutes fins utiles : « Ce qui est observé n’est pas autre que celui qui observe ». Que ferez-vous pratiquement d’un tel énoncé ? Quel instrument avez-vous à votre disposition pour saisir ce non-sens, cet expose illogique, irrationnel ? Vous allez penser. Par la vole de la pensée, vous ne pourrez rien comprendre. Vous traduisez ce que j’ai dit en termes d’une connaissance que vous possédez déjà comme vous le faites d’ailleurs pour tout le reste afin d’en tirer quelque chose. Quand vous cesserez de procéder de cette manière ce que j’ai décrit sera mis en oeuvre. L’absence de toute intervention – effort pour comprendre ou pour vous transformer – est effectivement l’état d’être que j’ai décrit.
Y a-t-il un au-delà ? Parce que vous ne vous intéressez pas au quotidien ni a ce qui se passe autour de vous, vous avez inventé ce que l’on appelle l’au-delà, l’Intemporel, Dieu, la Vérité, la Réalité, Brahman, l’Illumination et que sais-je encore ? et vous êtes à la recherche de cela. Mais il se peut qu ‘il n’y ait pas d’au-delà… Vous ne savez absolument rien de cet « au-delà » ; ce que vous savez, c’est ce qu’on vous a dit et c’est cette connaissance que vous projetez et c’est de cette connaissance que vous ferez l’expérience : la connaissance crée l’expérience et l’expérience vient renforcer la « connaissance ».
Ce que vous savez ne peut jamais être l’«au-delà ». Ce que vous expérimentez n’est pas l’au-delà. S’il y a un au-delà le mouvement de votre «vous » en est absent. L’absence d’un tel mouvement est probablement l’au-delà… Pourquoi essayez-vous d’expérimenter ce qui ne peut l’être ?
Vous devez toujours reconnaître ce que vous regardez, sinon vous n’êtes pas là. Dès l’instant où vous interprétez, le « vous » est là. Vous regardez un objet et vous reconnaissez qu’il s’agit d’un sac, un sac rouge. La pensée intervient dès lors dans la sensation en l’interprétant. Pourquoi intervient-elle et pouvez-vous l’empêcher : dès que vous voyez un objet un mot surgit : «sac» ou, suivant les cas : «banc», «rampe», «marche»… ou encore « l’homme aux cheveux blancs qui est assis là ». Et cela tourne indéfiniment vous allez répétant tout cela à vous-même en permanence. Ou encore vous vous préoccupez d’autre chose « je vais être en retard au bureau »… Autrement dit vous pensez toujours à quelque chose qui n’a pas la moindre relation avec la manière dont vos sens fonctionnent à ce moment précis. C’est cela ou la répétition du nom de l’objet : « C’est un sac, un sac rouge », etc. Le mot « sac » vous sépare de la vision créant par là-même le « vous », sinon il n’y aurait pas d’espace entre les deux.
Chaque fois qu’une pensée nait, vous naissez. Quand elle disparait vous disparaissez. Mais le vous ne permet pas que la pensée disparaisse puisque c’est précisément le mental qui donne à ce «vous» la continuité. En réalité, il n’y a en vous aucune entité permanente, aucun bilan de vos pensées et de vos expériences. Vous croyez qu’il y a quelqu’un qui pense vos pensées, qui ressent vos sentiments : c’est une illusion, je peux vous le dire, mais ce n’est pas une illusion pour vous…
Vos émotions sont plus complexes mais c’est le même processus. Pourquoi éprouvez-vous le besoin de vous dire à vous-même que vous êtes irrité, jaloux de quelqu’un d’autre ou que le sexe vous tracasse ? (je ne parle pas ici du passage éventuel à l’action.) Il y a une sensation en vous et vous vous dites déprimé… insatisfait… bienheureux… jaloux… avide… envieux… Ces étiquettes appellent à l’existence celui qui interprète les sensations. Ce que vous appelez JE n’est autre que le mot : « sac rouge », « banc », « ampoule électrique »… « bienheureux », « jaloux », etc. Vous exigez de vos cellules cérébrales une activité inutile… en détruisant l’énergie qui est là en réserve. Cela ne sert à qu’à vous épuiser.
Cet etiquettage est nécessaire quand vous avez à communiquer avec quelqu’un d’autre ou avec vous-même mais c’est en permanence que vous communiquez avec vous-même et pourquoi ? La seule différence qui existe entre vous et la personne qui parle tout haut, c’est que vous, vous ne parlez pas tout haut. Dès que cela vous arrive, voici venir le psychiatre. Ce type-la bien sûr fait exactement comme vous : il se parle tout le temps à lui-même – «sac rouge», «obsessif», «compulsif», «complexe d’Oedipe», «avide», «banc», «martini»… Et il décide que pour vous ça ne tourne pas rond et il vous installe sur son divan et s’applique à vous transformer pour vous aider…
Pourquoi ne laissez-vous pas en paix vos sensations ? Pourquoi les traduire ? Vous le faites parce que si vous ne communiquez pas avec vous-même, vous n’êtes plus là. C’est là une perspective qui est effrayante pour le «vous».
Tout ce dont vous faites l’expérience : paix, joie, silence, béatitude, extase et Dieu sait quoi ! est connaissance ancienne et de seconde main… Le fait même que vous etes en etat de béatitude et de formidable silence implique que vous connaissez déjà ces états. Il faut déjà connaître une chose pour en faire l’expérience. Cette connaissance n’a rien de merveilleux ou de métaphysique. Pouvez-vous faire l’expérience d’une chose aussi banale que ce banc « assis » là en face de vous ? Mais non : vous expérimentez la connaissance que vous en avez et dont la source est toujours un mécanisme extérieur. Vous pensez les pensées de votre milieu social, vous ressentez les sensations de votre milieu social et vous vivez les expériences de votre société ; il n’y a pas de nouvelles expériences.
Il en résulte que tout ce que l’homme a jamais pensé ou senti doit sortir de votre organisme. Et vous êtes le produit de toute cette connaissance c’est tout ce que vous êtes…
Qu’est-ce que la pensée ? Vous n’en savez absolument rien – sinon ce qui vous a été dit sur ce que vous appelez « pensée ». Qu’allez-vous faire d’elle : la façonner, la contrôler, lui donner une forme… ou l’interrompre ? Vous passez votre temps à exercer une action sur elle parce qu’on vous a suggéré d’effectuer tel ou tel changement, de vous en tenir aux « bonnes pensées » et d’éliminer les « mauvaises ». Lespensées sont ce qu’elles sont ni bonnes ni mauvaises. Aussi longtemps que vous aurez le désir d’agir sur elles, vous obéissez à leur mouvement : vouloir et penser sont une seule et unique chose. Vouloir comprendre implique un mouvement de pensée, et ce mouvement, vous le perpétuez, vous lui conférez sa continuité…
Le fonctionnement de vos sens est « dénaturé » parce que vous voulez en tirer quelque chose. Pourquoi ? Parce que vous désirez que votre « vous » continue. Vous protégez cette continuité. La pensée est un mécanisme protecteur : elle protège le « vous » aux dépens de quelque chose ou de quelqu’un d’autre. Tout ce qui est issu de la pensée est destructeur et en fin de compte vous détruira, vous et votre espèce…
C’est le mécanisme répétitif de la pensée qui vous épuise – et que pouvez-vous donc faire pour vous en sortir ? C’est la seule et unique question et toute réponse qui vous sera donnée ne fait que renforcer le mouvement de la pensée… Alors que faire ? Rien du tout. Ce mouvement est trop puissant : il dispose d’une force de vie accumulée au cours de millions d’années. Vous êtes totalement impuissant et vous n’êtes même pas conscient de votre impuissance.
Si vous pratiquez quelque système de maîtrise mentale, automatiquement le « vous » est là poussé par là même à la continuité. Avez-vous jamais médité réellement, sérieusement ? ou connaissez-vous quelqu’un qui l’ait fait ? Non, personne ne le fait… Si vous méditiez sérieusement vous tourneriez en rond dans l’asile de fous. Et vous ne pouvez pas davantage pratiquer l’attention totale appliquée à être conscient de chaque instant de votre vie. Vous ne pouvez pas être pleinement conscient : « vous » et votre conscience ne peuvent coexister. Si vous pouviez une seconde seulement, une seule fois dans votre vie vous trouver en état de conscience pure (awareness) votre continuité claquerait net, l’illusion de la structure expériencielle, le « vous » – tout cela s’effondrerait et tout retomberait dans le rythme de l’état naturel. Cet état où vous ne savez pas ce que vous regardez, cela c’est vraiment la conscience pure. Si vous re-connaissez ce que vous regardez, vous êtes là de nouveau en train d’expérimenter le passé – ce que vous savez.
Ce qui réintègre une personne dans son état naturel, cette personne et non telle autre, je n’en sais rien. Peut-être est-ce inscrit dans les cellules. C’est a-causal. Ce n’est pas de votre part un acte «volontariste» vous ne pouvez pas le provoquer. Il n’y a rien que vous puissiez faire. Vous pouvez vous méfier de l’homme qui vous dit comment ila assumé cet état. Il y a une chose dont vous pouvez être sûr, c’est qu’il ne le sait pas lui-même et n’a pas la possibilité de vous le communiquer. Il y a dans la structure du corps un mécanisme de détente. Si la structure expériencielle se relâche l’autre processus prend le relai à sa manière propre. Le fonctionnement du corps est dès lors totalement différent sans l’interférence de la pensée sauf en cas de nécessité pour communiquer avec quelqu’un. Pour employer la formule du «ring», vous n’avez plus qu’à « jeter la serviette » et déclarer forfait. Personne ne peut vous venir en aide et vous ne pouvez pas vous aider vous-même.
Cet état naturel ne vous intéresse pas : vous ne vous attachez qu’à la continuité. Sans doute désirez-vous continuer à un autre niveau, en fonction d’une dimension différente mais quoiqu’il en soit vous voulez continuer. Pour vous ce ne serait pas à prendre avec des pincettes ! Ce serait effectivement liquider tout ce que vous considérez comme «vous», moi supérieur, moi inférieur, âme, Atmanconscient, subconscient etc. S’il vous vient quelque velléité, vous dites « il me faut du temps »… Alors intervient la sadhanaet vous vous dites « Demain, je comprendrai»… Cette structure est née du temps et fonctionne dans le temps mais ce n’est pas dans le temps qu’elle parviendra à son terme. Si vous ne comprenez pas aujourd’hui, vous ne comprendrez pas demain. Pourquoi d’ailleurs voulez-vous comprendre ce que je dis ? Vous ne pouvez pas comprendre. C’est de votre part un exercice futile que de comparer mon mode de fonctionnement au vôtre. C’est une chose que je ne peux pas communiquer. En fait aucune communication n’est nécessaire. Aucun dialogue n’est possible. Quand le «vous» n’est pas là, quand le problème n’est pas là ce qui est, c’est la compréhension : c’est la fin du « vous », le « vous » s’en va. Vous n’écouterez plus celui qui décrit cet état et vous ne lui poserez plus de question sur la compréhension de cet état…
Ce que vous recherchez n’existe pas. Vous préféreriez vous promener sur une terre d’enchantement, avoir la bienheureuse vision d’une transformation de votre soi inexistant afin de réaliser un état d’être évoqué a coup de formules magiques. C’est précisément cela qui vous arrache à votre « état naturel » – un mouvement en dehors de vous-même. Etre soi-même exige une extraordinaire intelligence. La «bénédiction» de cette intelligence, vous la possédez ; personne n’a besoin de vous la donner, personne ne peut vous la prendre. Celui qui la laisse s’exprimer à sa manière particulière est un homme naturel.
Un jour vous vous apercevrez, ou plutôt vous vous éveillerez au fait que la quête même d’une réalité ultime n’est qu’un mécanisme d’auto-continuité. Il n’y a rien à atteindre, rien à gagner, rien à réaliser. Lorsque vous agissez en vue d’atteindre votre objectif, un mécanisme d’auto-continuité se met en place. Tout ce que vous voulez accomplir est basé sur le moi. Je dis « basé sur le moi » et vous pensez aussitôt « attention, à éviter », parce que votre idéal est l’absence du moi. Mais tant que vous agissez en vue du non-moi, vous êtes ancré dans le moi. Quand l’énergie du désir d’aller au-delà du moi n’est plus, alors le moi n’est plus et il n’y a plus d’activité fondée sur le moi. Ces techniques, ces systèmes, ces méthodes pour atteindre l’état de non-moi, tout cela est au centre du moi. Malheureusement, la société considère l’abnégation de soi comme l’idéal le plus élevé; l’altruiste est un atout pour la société, et la société ne se préoccupe que de sa propre continuité -maintenir le statu quo. Ainsi toutes ces valeurs, que nous acceptons et honorons, sont des inventions de l’esprit humain pour assurer sa propre continuité.
Le fait même d’avoir un but vous permet de continuer, mais vous n’arrivez nulle part. Seulement l’espoir est là qu’un jour, grâce à je ne sais quel miracle, grâce à une aide providentielle, vous arriverez au but. Cet espoir vous permet de continuer, bien qu’en fait vous n’alliez nulle part. À un moment, vous allez comprendre que tout ce que vous pouvez faire ne mène à rien. Alors vous allez changer, essayer ceci, cela, quelque chose d’autre. Vous allez vous engager dans un certain nombre de choses; à un moment donné, il vous faut bien voir que tout cela ne mène à rien. Tant que vous avez quelque chose en tête, vous suivez votre idée. Que voulez-vous? Je pose tout le temps la même question : « Que voulez-vous »? Vous dites : « Je cherche la paix intérieure ». Voilà un but impossible à atteindre, une contradiction dans les termes : tout ce que vous faites pour y parvenir détruit la paix qui est déjà là. Vous voyez, vous avez mis en marche un mouvement de pensée qui détruit la paix qui est déjà là. Il vous est très difficile de comprendre (ou d’accepter) que toutes vos tentatives vont précisément à l’encontre de la paix et l’harmonie qui sont déjà là. Tout mouvement de pensée, quelle que soit sa direction, quel que soit son niveau, est un facteur de destruction du fonctionnement calme et paisible de cet organisme vivant -qui n’a que faire de vos aspirations spirituelles. Il n’a que faire de vos expériences spirituelles, même les plus extraordinaires. Une fois que vous avez eu une expérience spirituelle vous en désirerez forcément une autre, puis une autre, et finalement vous allez vouloir vivre en permanence dans cet état. Il n’y a rien de tel, le bonheur éternel, la félicité éternelle n’existent pas. Vous y croyez, parce que c’est ce qu’on vous a dit dans tous ces livres que vous lisez. Pourtant vous savez parfaitement que votre quête n’aboutit à rien. C’est ce mécanisme qui a été mis en route, cet instrument que vous utilisez, qui vous fait continuer dans cette direction parce que c’est la seule chose qu’il puisse faire. Il est le résultat de tant d’années de dur travail, d’effort et d’exercice de volonté. Vous voulez que vos efforts amènent un état au-delà de l’effort; ça ne marchera pas.. Vous voulez atteindre le sans-effort par l’effort -comment diable allez-vous y arriver? Vous oubliez que tout ce que vous faites, tout mouvement (de pensée), tout besoin, tout désir de quoi que ce soit, est effort. On ne peut pas arriver à l’état-sans-effort par l’effort. Essayer de ne plus faire d’efforts est un effort en soi. C’est à devenir fou, en vérité! Vous ne vous êtes pas (encore) mis dans cette impasse. Si ça arrive pour de bon, alors vous allez vraiment devenir fou -et ça vous fait peur. Rendez-vous compte que tout ce que vous faites pour arriver à cet état-sans-effort, pour quelque raison que ce soit, est un effort. Même le désir d’éviter l’effort est aussi effort. On peut appeler état sans effort l’absence totale de volonté et d’effort -mais ce n’est pas quelque chose qu’on peut atteindre par l’effort. Si vous n’y comprenez rien aujourd’hui, demain ce sera la même chose. On comprend quand le besoin de comprendre n’est plus là -maintenant ou la semaine prochaine.
Il n’y a rien à comprendre, voilà. Comprendre ne sert qu’à comprendre ce qui va arriver demain -mais pas la réalité de l’instant. Dans l’instant, il n’y a rien à comprendre du tout.
Ça peut paraître drôle, mais c’est comme ça. Vous voulez comprendre quoi? Vous n’arrivez pas à me comprendre. Ça fait vingt jours que je vous parle, et on peut continuer, mais vous ne comprendrez toujours rien. Ce n’est pas que c’est difficile. C’est tellement simple. La structure complexe que vous utilisez est précisément incapable de cette simplicité. Voilà le vrai problème. « Ce ne peut pas être aussi simple que ça », pensez-vous; la structure est si compliquée qu’il lui est impossible de considérer pour un instant que ça pourrait être aussi simple. Alors on va comprendre plus tard, pas maintenant. Mais demain ce sera la même chose, et dans dix ans ce sera toujours la même chose. Alors que faire? On est tous passés par là. On bascule ou on fout le camp. Si vous forcez suffisamment vous avez une bonne chance de basculer dans la folie. Mais vous allez vous arrêter avant. D’accord, on s’amuse, c’est intéressant, mais soyons sérieux, ‘l’au-delà », « l’inconnaissable », il n’y a rien de tel. Si vous acceptez l’idée d’un au-delà, vous allez chercher à le connaître -à connaître l’inconnaissable. Votre intérêt est de chercher à connaître. Ce mouvement va persister tant qu’il y aura le désir de faire l’expérience de quelque chose qui n’est pas du domaine de l’expérience. Il n’y a pas d’au-delà, point final. Qu’est-ce qui me permet d’affirmer qu’il n’y a rien de tel? Comment puis-je me permettre d’être aussi catégorique? Vous comprendrez plus tard. Tant que vous êtes en quête de l’au-delà, ce mouvement persiste. C’est quelque chose qui est à votre portée, qui vous donne l’espoir que peut-être un jour par un heureux hasard vous allez avoir l’expérience de l’au-delà. Comment l’inconnaissable pourrait-il être du domaine du connu? Vous pouvez toujours courir. Même si ce mouvement (pour connaître l’inconnaissable) n’est pas là, vous ne saurez jamais ce qui est. Vous ne pouvez pas savoir ce qui est, vous n’avez aucun moyen de le saisir, d’en faire l’expérience, aucun moyen de l’exprimer.
C’est pourquoi toutes ces histoires de félicité éternelle, d’amour éternel, c’est du pipi de chat. Il est strictement impossible de saisir cette réalité, de la contenir, de l’exprimer. Un jour peut-être vous vous éveillerez au fait que cet instrument ne peut pas vous aider à comprendre quoi que ce soit, et qu’il n’y en a pas d’autre. Il n’y a donc rien à comprendre. Vous voyez, vous auriez tort d’interpréter mes mots selon vos valeurs, selon certains codes de conduite, vous seriez complètement à côté de la cible. Je n’ai rien contre un code de moralité -les codes de conduite ont une utilité sociale, sans eux la société ne pourrait pas fonctionner. Un certain code de conduite est nécessaire pour fonctionner intelligemment dans le monde. Sinon, c’est le chaos. C’est uniquement un problème de société, pas une question d’éthique ni un problème religieux. Il faut séparer les deux choses, le monde a changé. Il faut trouver quelque chose d’autre pour pouvoir vivre en harmonie avec le monde qui nous entoure. Tant qu’il y aura conflit intérieur, en vous, vous ne pourrez pas vivre en harmonie avec la société. C’est à vous de faire le premier pas, en vous-même.
Loin de moi l’idée que vous devriez devenir quelque chose d’autre que ce que vous êtes déjà. C’est impossible. Il n’est pas dans mon intention de vous libérer de quoi que ce soit. Franchement, notre conversation n’a aucun sens. Vous pouvez rejeter ce que je dis, n’y voir qu’un non-sens, je n’y vois aucun inconvénient. Peut-être qu’un jour vous verrez clairement que l’objectif que vous avez en tête, ce but à quoi vous aspirez par tous vos efforts et la tension de la volonté, peut-être qu’un jour vous verrez que tout ça n’a absolument rien à voir avec ce dont je parle. L’ état que je décris n’est pas ce que vous voulez.
Voyez-vous, il est impossible d’observer ses propres pensées, de s’observer à chaque pas qu’on fait. Vous en deviendriez fou, vous ne pourriez pas faire un pas. Ce n’est pas ce qu’on veut dire quand on parle d’être conscient de tout -d’observer chaque pensée- comment vous serait-il possible d’observer toutes vos pensées, une à une- et pour quelle raison, je vous prie, voudriez-vous observer vos pensées? Pour quelle raison? Dans un but de contrôle? Vous ne pouvez pas contrôler la pensée. Elle a une force fantastique.
Vous pouvez vous imaginer que vous avez réussi à contrôler vos pensées, et que vous avez senti un certain espace entre ces pensées, une sorte d’état sans pensée; vous croyez alors que vous avez fait un pas en avant. Mais cet état-sans-pensée se fonde lui-même sur la pensée, il représente un espace entre deux pensées. Faire l’expérience de l’espace entre deux pensées -l’état-sans-pensée- est la preuve que la pensée était là, bien là. Elle refait son apparition après, comme le Rhône, en France, qui disparaît et réapparaît. Il est toujours là, mais souterrain. Il n’est pas navigable, mais finalement il réapparaît. De la même manière toutes ces choses que vous refoulez (avec le sentiment d’avoir eu une expérience extraordinaire) reviennent à la surface, -et alors vous sentez vos pensées revenir avec une force accrue. La pensée est une vibration très forte, une extraordinaire vibration. C’est comme l’atome. Il ne faut pas jouer avec ces choses-là.
Vous voulez maîtriser le flot de pensées, mais vous n’y arriverez pas. La pensée doit fonctionner à sa manière, de façon discontinue, sans suite. Cet état existe de lui-même, vos efforts ne peuvent en aucun cas le provoquer. La pensée doit trouver son rythme naturel. Le fait même de vouloir lui donner son rythme naturel ajoute une impulsion au flot de pensées. La pensée a sa vie propre-, malheureusement, elle a créé un mouvement parallèle à l’intérieur de la vie. Ces deux mouvements, de la vie et de la pensée, sont dans un conflit perpétuel , qui ne prendra fin que lorsque le corps cessera de fonctionner.
La pensée s’est emparée du corps. Elle est le maître de la place. Elle essaye toujours de tout contrôler. C’est un domestique qu’on ne peut plus mettre à la porte, quoi qu’on fasse. Si vous l’expulsez par la force, il va tout brûler, même s’il doit périr dans les flammes lui aussi. Il est très dangereux d’essayer de contrôler ou de bloquer la pensée. On risque la folie. Il n’a rien à y gagner, mais c’est ce qui va vous arriver si vous essayer de le contrôler. Ne prenez pas cette image littéralement, voyez par vous-même, ne jouez pas avec tout ça. Ou alors, allez-y, jouez. Tout ça, pour vous, ce sont des jouets.
Alors pourquoi posez-vous toutes ces questions, pourquoi n’êtes-vous pas satisfait des réponses que vous avez déjà? Je vous pose la question. Pourquoi? Si vous étiez satisfait, alors, voyez-vous, il n’y aurait plus problème. Vous diriez : « je n’ai aucun besoin d’une réponse ». Mais non. La question est là, en vous. Vous pouvez demander à qui vous voulez, espérer une solution us pouvez quelconque, elle est toujours là. Pourquoi y est-elle toujours? Qu’arrive-t-il si la question n’est plus là? Si elle n’est plus là, vous n’êtes plus là non plus.
VOUS êtes les réponses, vous n’êtes rien d’autre. Je ne dis rien de plus, rien de moins. Si vous comprenez qu’il n’y a pas là d’entité qui pose les questions, la réponse elle-même est en grand danger d’annihilation. C’est pourquoi elle ne veut pas de réponse. La vraie réponse serait la fin des réponses que vous avez déjà, et qui ne sont pas vraiment les vôtres.
Les réponses que vous avez sont déjà mortes, elles vous viennent de gens qui sont morts. Et celui qui les répète est lui aussi un macchabée. Celui qui est vivant ne peut pas répondre à ces questions, toute réponse qui vous vient de qui que ce soit est une réponse morte parce que la question est une question morte, la question de quelqu’un qui est déjà mort. Voilà pourquoi je ne vous donne aucune réponse, rien. Vous vivez dans un univers d’idées mortes. Les solutions que vous avez ne vous sont d’aucune aide pour affronter la vie. Elles sont tout juste bonnes comme sujet de discussion académique, pour le rituel question-réponse -on ressasse les mêmes idées sans vie; ces solutions, ces idées, ces rituels, ne peuvent jamais, jamais, toucher à la vie, parce que si jamais ça arrivait, la vie consumerait tout ça dans un feu d’enfer, il n’y aurait plus trace de rien.
Ainsi vous n’allez jamais vous approcher de la vie, de quoi que ce soit de vivant. Tant que vous utilisez la pensée pour comprendre ou faire l’expérience de quoi que ce soit, vous ne voyez rien, vous ne touchez rien de vivant. Quand la pensée n’est plus là, il n’y a plus rien à comprendre, plus d’expérience à faire. Quand on a une expérience, on ne fait qu’ajouter à l’élan de la pensée, à son emprise, pas plus, Il n’y a rien qui vous appartienne en propre.
Qu’est-ce qu’on veut dire exactement quand on parle de conscience? Son contraire, l’inconscience, n’existe pas. En médecine, on donne les raisons techniques qui expliquent pourquoi un individu est inconscient; mais l’individu lui-même n’a aucun moyen de savoir qu’il est inconscient. Quand il n’est plus inconscient, on dit qu’il est conscient. Alors, pensez-vous être conscient ou inconscient, maintenant? Pensez-vous être réveillé, ou non? Pensez-vous être vivant ou mort?
C’est la pensée qui vous donne l’impression d’être vivant, ou d’être conscient. Vous avez cette impression seulement quand la connaissance que vous avez des choses est là. Vous n’avez aucun moyen de savoir si vous êtes mort ou vivant. Dans ce sens, la mort n’existe pas, parce que en ce moment vous n’êtes pas vivant. Vous n’avez conscience du monde et de vous-même que quand la connaissance est là. Sans elle, le mouvement de pensée -qui arrive à sa fin un instant avant ce que nous appelons « la mort » ait lieu- se fiche bien de savoir si vous êtes mort ou vivant.
C’est pourquoi être vivant ou être mort n’a en fait aucune importance. Bien sûr, c’est important pour celui qui considère qu’être vivant est très important, et pour ceux qui lui sont proches; mais vous n’avez aucun moyen de vérifier si vous êtes vivant ou si vous êtes mort, si vous êtes conscient ou non. Vous êtes conscient seulement par la pensée. C’est pourquoi vous ne pouvez pas comprendre, vous n’avez aucune idée de ce que je veux dire quand je dis qu’il n’est pas possible de faire l’expérience de quoi que ce soit. Quand le mouvement de la pensée n’est plus là, vous n’avez plus aucun point de référence. Sans ce mouvement de la pensée, toutes ces questions sur la conscience ne sont plus possibles. Voilà ce que je veux dire quand je dis que je n’ai aucune question à poser, rien à demander. Chaque fois qu’une pensée prend naissance vous créez une entité ou un point, et c’est par rapport à ce point que vous faites l’expérience du monde et des choses. C’est en référence à ça. Alors, si la pensée n’est plus là, comment pouvez-vous faire l’expérience de quoi que ce soit, comment pouvez-vous faire référence à une chose qui n’existe pas, qui n’est plus là? Mais cet état ne peut pas être décrit en termes de béatitude, félicité, amour, compassion, et toutes ces histoires, ce fatras romantique. Il n’est rien de tout ça, et il ne peut pas être décrit, parce que vous n’avez aucune possibilité de faire l’expérience de ce qui est là, l’intervalle entre deux pensées. Vous faites l’expérience du monde et des choses à part et depuis ce point de vue, ce point de référence. Il faut qu’il y ait un point, et c’est ce point qui crée l’espace. S’il n’y a pas de point, il n’y a pas d’espace. Ainsi, toute expérience que vous pouvez avoir à partir de ce point est une illusion.
Voilà, j’ai dit ce que j’avais à dire. Et je ne peux faire autrement que dire la même chose de dix façons différentes, selon la nature des questions dont vous me harcelez.
Mais, comme je l’ai dit hier, ces questions sont toutes les mêmes. Elles viennent des réponses que vous avez déjà. Et ces réponses, que vous avez apprises ne sont pas de vraies réponses. Moi, je ne vous donne aucune réponse. Et si je commettais la sottise de vous donner des réponses, vous devriez bien comprendre que c’est cette réponse même qui va empêcher que votre question puisse disparaître. Croyez-moi, ces question ne me viennent jamais, jamais, à l’esprit; et si vous ne me croyez pas, ça m’est bien égal.
Il n’y a en moi aucune question, sauf celles du type : « Où peut-on louer une voiture? », « Comment arriver à Bruxelles le plus rapidement possible? », « Quelle route prendre pour aller à Rotterdam? ». C’est tout. Pour ce genre de question, il y a toujours des gens qui peuvent vous aider. Mais l’autre genre de question n’a pas de réponse.
Quand vous vous éveillez au fait que ces questions n’ont pas de réponses, et que ces questions viennent des réponses que vous avez déjà, alors toutes ces réponses que vous avez volent en éclats. Mais vous ne pouvez pas faire que ça arrive, ça ne dépend pas de vous.
Alors, vous allez vous dire: « C’est sans espoir ». Pas du tout. Il y a de l’espoir, mais ici-même, pas là-bas, maintenant, pas demain. Vous attendez toujours à demain. Demain il n’y aura RIEN!
Ce qui doit arriver doit arriver maintenant, sur le champ, à l’instant même. Mais ça ne va pas arriver, c’est pratiquement impossible. Ça ne va pas arriver parce que c’est le passé que vous utilisez comme instrument. Il faut que le passé ne soit plus pour que le présent soit possible. Et ce présent est quelque chose que vous ne pouvez pas capturer, vous ne pouvez pas en faire l’expérience. Même en supposant que le passé ne soit plus, vous ne pouvez pas le savoir. Et dans ce cas il n’y a pas d’avenir non plus pour vous.
En Inde tout le monde a tout essayé -ça dépasse l’imagination- mais la chance n’a souri à personne. Quand cette chose arrive sa « calamité », elle arrive à ceux qui ont vraiment totalement abandonné la quête, -qui ont tout laissé tomber. C’est la condition sine qua non. Le mouvement tout entier de la pensée doit ralentir et s’arrêter. Mais faites n’importe quoi pour qu’il s’arrête et vous lui donnez une nouvelle impulsion, vous ajoutez à son élan. Voilà l’essence du problème.
Vous voulez quelque chose qui n’existe pas. Il n’y a que votre imagination, stimulée par les connaissances que vous avez ramassées ici et là sur le sujet. Et voilà, vous n’y pouvez rien. Vous êtes en quête de quelque chose qui n’existe pas, qui n’existe pas du tout. Je peux répéter ça jusqu’à la saint-glinglin -je ne sais pas quand on la fête dans votre pays- ou jusqu’au royaume de Dieu sur terre -mais il n’y aura jamais de royaume, ni sur terre ni ailleurs. Vous continuez, vous persévérez, dans l’espoir que d’une manière ou d’une autre il y a un moyen d’y arriver. Et vous vous acharnez parce que vous pensez que c’est le moyen pour résoudre vos problèmes du quotidien; c’est une idée saugrenue, ça ne va rien résoudre du tout. « Si seulement j’avais cette illumination, adieu tous mes problèmes ». Tu parles!
Vous ne pouvez avoir cette illumination, ni rien d’autre. Quand ce cataclysme arrive, il efface tout, il ne reste plus rien! Vous voulez tout ça, et aller au ciel en plus. Vous pouvez toujours courir! Ce n’est pas quelque chose qui va arriver parce qu’on s’y efforce, ou par la grâce de qui que ce soit, même pas grâce à l’aide d’un dieu qui se ballade sur cette terre proclamant qu’il est descendu de quelque part (quelque part dans le firmament) pour votre salut et pour le salut de l’humanité -quelle histoire à dormir debout! Personne ne peut vous aider. Vous aider à faire quoi? Voilà la question, vous comprenez.
Tant que vous aurez cette idée de libération en tête, vous allez tourner autour de ces gens-là, avec leurs promesses, leurs techniques. Tout ça va ensemble. Mais je vous répète qu’ il n’y a rien à faire. De toute façon, vous êtes déjà en train de faire un tas de choses. Est-ce que vous pouvez rester sans rien faire? Non, vous ne pouvez pas, Vous êtes toujours en train de faire quelque chose, et malheureusement pour vous cette activité doit cesser pour laisser le champ libre à la « calamité ». Vous allez faire quelque chose d’autre, qui va être censé amener la fin de cette activité. Voilà le problème, voilà où vous en êtes arrivé. C’est tout ce que je peux dire. Je montre l’absurdité de vos actions, de votre démarche.
Comme je l’ai mentionné hier, vous êtes venu ici pour trouver quelque chose, et ensuite vous irez certainement ailleurs. Il n’y a rien ici pour vous, vous n’allez rien en tirer. Non pas que je veuille garder quelque chose pour moi; prenez tout ce que vous voulez. Mais je n’ai rien à vous donner. Je ne suis pas quelque chose que vous ne seriez pas. Vous vous imaginez que je suis différent de vous. Cette pensée ne me vient jamais à l’esprit. Jamais. Chaque fois qu’on me pose des questions, je suis perplexe: « Pourquoi ces gens me posent-ils ces questions? Comment puis-je leur montrer, les guider? ». J’ai encore quelque illusion. Je me dis, peut-être vais-je essayer. Mais même cet « essai » ne signifie rien pour moi. Il n’y a rien que je puisse faire. Il n’y a rien à obtenir. Rien à donner et rien à prendre. Voilà notre situation. Au niveau des objets matériels, oui. Il y a des tas de choses. Il y a toujours quelqu’un qui peut vous aider grâce à ses connaissances, à son argent, à un tas de choses. Mais dans ce domaine dont nous parlons il n’y a rien à prendre et rien à donner. Et tant que vous aurez ce désir je vous garantis que vous partez battu d’avance. Vous voyez, vouloir cette chose implique nécessairement que le mouvement de la pensée va se mettre en branle pour arriver au but, vous allez vous mettre à penser. Mais le problème n’est pas d’arriver à un but quelconque, le problème c’est que ce mouvement de pensée s’arrête, ici, sur le champ. La seule chose que vous puissiez faire, vous, c’est de mettre le mouvement de la pensée en marche, dans la direction du but à atteindre. Vous ne vous en sortirez jamais. Quand ce retournement se produit en vous, vous vous trouverez dans un état primordial mais non primitif. Cela sans l’avoir voulu. Ça vous arrive et c’est tout.
Cet homme libre n’est plus en lutte avec la société. Il n’est pas antisocial, il n’est pas en guerre avec le monde. Il sait qu’il ne peut être un dissident. Il ne se soucie pas du tout de changer la société. L’exigence du changement aura cessé. Tout acte volontaire quelle que soit sa direction est violence. Tout effort est violence. Tout ce que vous faites avec le concours de la pensée pour créer en vous un état de paix utilise la force et, par là même, est violence. Vous tentez d’imposer la paix par la violence.
L’état naturel n’est pas un état sans pensée : c’est là l’un des plus grands canulars perpétrés des siècles durant à l’égard de pauvres Indiens sans défense… Vous ne serez jamais sans pensée tant que le corps ne sera pas réduit à l’état de cadavre, un cadavre très mort ! Etre capable de pensée est nécessaire à la survie. Mais dans l’état naturel la pensée cesse de vous étrangler ; elle revient à son rythme naturel. Il n’existe plus de « vous » pour lire les pensées et les prendre pour les « siennes ».
Avez-vous jamais observé ce mouvement parallèle de la pensée ? Les grammaires vous diront que JE est la première personne, pronom singulier etc. mais au fond ce n’est pas là ce que vous désirez savoir. Pouvez-vous regarder cette chose que vous appelez JE : c’est une notion très évanescente : observez-la maintenant, ressentez-la, touchez-la et donnez m’en des nouvelles. Comment l’observez-vous ? Et qui est cela en train de regarder ce que vous appelez JE. C’est là le problème crucial. Celui qui observe ce que vous appelez JE est effectivement le JE. Il crée une illusoire division de lui-même entre sujet et objet et c’est cette division qui lui confère une continuité. C’est en fait une nature divisionnelle qui opère en vous dans votre conscience. La continuité de sa propre existence est tout ce qui l’intéresse. Aussi longtemps que vous voudrez comprendre ce « vous » ou le transformer en une entité spirituelle, une entité sainte, belle ou merveilleuse, ce vous va continuer. Si vous ne vous souciez pas de l’entretenir, il n’est plus là, il a disparu…
Comment comprenez-vous ce que je viens de dire ? J’ai fait cet exposé à toutes fins utiles : « Ce qui est observé n’est pas autre que celui qui observe ». Que ferez-vous pratiquement d’un tel énoncé ? Quel instrument avez-vous à votre disposition pour saisir ce non-sens, cet expose illogique, irrationnel ? Vous allez penser. Par la voie de la pensée, vous ne pourrez rien comprendre. Vous traduisez ce que j’ai dit en termes d’une connaissance que vous possédez déjà comme vous le faites d’ailleurs pour tout le reste afin d’en tirer quelque chose. Quand vous cesserez de procéder de cette manière ce que j’ai décrit sera mis en oeuvre. L’absence de toute intervention – effort pour comprendre ou pour vous transformer – est effectivement l’état d’être que j’ai décrit.
Y a-t-il un au-delà ? Parce que vous ne vous intéressez pas au quotidien ni a ce qui se passe autour de vous, vous avez inventé ce que l’on appelle l’au-delà, l’Intemporel, Dieu, la Vérité, la Réalité, Brahman, l’Illumination et que sais-je encore ? et vous êtes à la recherche de cela. Mais il se peut qu ‘il n’y ait pas d’au-delà… Vous ne savez absolument rien de cet « au-delà » ; ce que vous savez, c’est ce qu’on vous a dit et c’est cette connaissance que vous projetez et c’est de cette connaissance que vous ferez l’expérience : la connaissance crée l’expérience et l’expérience vient renforcer la « connaissance ».
Ce que vous savez ne peut jamais être l’«au-delà ». Ce que vous expérimentez n’est pas l’au-delà. S’il y a un au-delà le mouvement de votre «vous » en est absent. L’absence d’un tel mouvement est probablement l’au-delà… Pourquoi essayez-vous d’expérimenter ce qui ne peut l’être ?
Vous devez toujours reconnaître ce que vous regardez, sinon vous n’êtes pas là. Dès l’instant où vous interprétez, le « vous » est là. Vous regardez un objet et vous reconnaissez qu’il s’agit d’un sac, un sac rouge. La pensée intervient dès lors dans la sensation en l’interprétant. Pourquoi intervient-elle et pouvez-vous l’empêcher : dès que vous voyez un objet un mot surgit : «sac» ou, suivant les cas : «banc», «rampe», «marche»… ou encore « l’homme aux cheveux blancs qui est assis là ». Et cela tourne indéfiniment vous allez répétant tout cela à vous-même en permanence. Ou encore vous vous préoccupez d’autre chose « je vais être en retard au bureau »… Autrement dit vous pensez toujours à quelque chose qui n’a pas la moindre relation avec la manière dont vos sens fonctionnent à ce moment précis. C’est cela ou la répétition du nom de l’objet : « C’est un sac, un sac rouge », etc. Le mot « sac » vous sépare de la vision créant par là-même le « vous », sinon il n’y aurait pas d’espace entre les deux. Pourquoi ne laissez-vous pas en paix vos sensations ? Pourquoi les traduire ? Vous le faites parce que si vous ne communiquez pas avec vous-même, vous n’êtes plus là. C’est là une perspective qui est effrayante pour le «vous».
Tout ce dont vous faites l’expérience : paix, joie, silence, béatitude, extase et Dieu sait quoi ! est connaissance ancienne et de seconde main… Le fait même que vous êtes en état de béatitude et de formidable silence implique que vous connaissez déjà ces états. Il faut déjà connaître une chose pour en faire l’expérience. Cette connaissance n’a rien de merveilleux ou de métaphysique. Pouvez-vous faire l’expérience d’une chose aussi banale que ce banc « assis » là en face de vous ? Mais non : vous expérimentez la connaissance que vous en avez et dont la source est toujours un mécanisme extérieur. Vous pensez les pensées de votre milieu social, vous ressentez les sensations de votre milieu social et vous vivez les expériences de votre société ; il n’y a pas de nouvelles expériences.
Chaque fois qu’une pensée naît, vous naissez. Quand elle disparaît vous disparaissez. Mais le vous ne permet pas que la pensée disparaisse puisque c’est précisément le mental qui donne à ce «vous» la continuité. En réalité, il n’y a en vous aucune entité permanente, aucun bilan de vos pensées et de vos expériences. Vous croyez qu’il y a quelqu’un qui pense vos pensées, qui ressent vos sentiments : c’est une illusion, je peux vous le dire, mais ce n’est pas une illusion pour vous…
Cet étiquetage est nécessaire quand vous avez à communiquer avec quelqu’un d’autre ou avec vous-même mais c’est en permanence que vous communiquez avec vous-même et pourquoi ? La seule différence qui existe entre vous et la personne qui parle tout haut, c’est que vous, vous ne parlez pas tout haut. Dès que cela vous arrive, voici venir le psychiatre. Ce type-la bien sûr fait exactement comme vous : il se parle tout le temps à lui-même – «sac rouge», «obsessif», «compulsif», «complexe d’Oedipe», «avide», «banc», «martini»… Et il décide que pour vous ça ne tourne pas rond et il vous installe sur son divan et s’applique à vous transformer pour vous aider…
Qu’est-ce que la pensée ? Vous n’en savez absolument rien – sinon ce qui vous a été dit sur ce que vous appelez « pensée ». Qu’allez-vous faire d’elle : la façonner, la contrôler, lui donner une forme… ou l’interrompre ? Vous passez votre temps à exercer une action sur elle parce qu’on vous a suggéré d’effectuer tel ou tel changement, de vous en tenir aux « bonnes pensées » et d’éliminer les « mauvaises ». Les pensées sont ce qu’elles sont ni bonnes ni mauvaises. Aussi longtemps que vous aurez le désir d’agir sur elles, vous obéissez à leur mouvement : vouloir et penser sont une seule et unique chose. Vouloir comprendre implique un mouvement de pensée, et ce mouvement, vous le perpétuez, vous lui conférez sa continuité…
Le fonctionnement de vos sens est « dénaturé » parce que vous voulez en tirer quelque chose. Pourquoi ? Parce que vous désirez que votre « vous » continue. Vous protégez cette continuité. La pensée est un mécanisme protecteur : elle protège le « vous » aux dépens de quelque chose ou de quelqu’un d’autre. Tout ce qui est issu de la pensée est destructeur et en fin de compte vous détruira, vous et votre espèce…
C’est le mécanisme répétitif de la pensée qui vous épuise – et que pouvez-vous donc faire pour vous en sortir ? C’est la seule et unique question et toute réponse qui vous sera donnée ne fait que renforcer le mouvement de la pensée… Alors que faire ? Rien du tout. Ce mouvement est trop puissant : il dispose d’une force de vie accumulée au cours de millions d’années. Vous êtes totalement impuissant et vous n’êtes même pas conscient de votre impuissance.
Vous pratiquez quelque système de maîtrise mentale, automatiquement le « vous » est là poussé par là même à la continuité. Avez-vous jamais médité réellement, sérieusement ? ou connaissez-vous quelqu’un qui l’ait fait ? Non, personne ne le fait… Si vous méditiez sérieusement vous tourneriez en rond dans l’asile de fous. Et vous ne pouvez pas davantage pratiquer l’attention totale appliquée à être conscient de chaque instant de votre vie. Vous ne pouvez pas être pleinement conscient : « vous » et votre conscience ne peuvent coexister. Si vous pouviez une seconde seulement, une seule fois dans votre vie vous trouver en état de conscience pure votre continuité claquerait net, l’illusion de la structure expériencielle, le « vous » – tout cela s’effondrerait et tout retomberait dans le rythme de l’état naturel. Cet état où vous ne savez pas ce que vous regardez, cela c’est vraiment la conscience pure. Si vous re-connaissez ce que vous regardez, vous êtes là de nouveau en train d’expérimenter le passé – ce que vous savez.
Ce que vous recherchez n’existe pas. Vous préféreriez vous promener sur une terre d’enchantement, avoir la bienheureuse vision d’une transformation de votre soi inexistant afin de réaliser un état d’être évoqué à coup de formules magiques. C’est précisément cela qui vous arrache à votre « état naturel » – un mouvement en dehors de vous-même. Etre soi-même exige une extraordinaire intelligence. La «bénédiction» de cette intelligence, vous la possédez ; personne n’a besoin de vous la donner, personne ne peut vous la prendre. Celui qui la laisse s’exprimer à sa manière particulière est un homme naturel. L’homme a abandonné l’intelligence naturelle du corps. C’est pourquoi je dis dans mon » chant funèbre » que l’homme qui a fait l’expérience d’une conscience séparée, isolée des autres animaux et supérieure à eux, a semé les graines de sa propre destruction. Cette vision pervertie de la vie pousse le mental tout entier vers la totale annihilation. Vous ne pouvez rien faire pour arrêter cela. Je ne suis pas un alarmiste. Je n’ai pas peur. Je ne m’attache pas au salut du monde. L’espèce humaine est de toute façon condamnée. Je me contente de dire que la paix que vous cherchez est déjà en vous, dans l’harmonieux fonctionnement de votre corps.
Cet état naturel ne vous intéresse pas : vous ne vous attachez qu’à la continuité. Sans doute désirez-vous continuer à un autre niveau, en fonction d’une dimension différente mais quoiqu’il en soit vous voulez continuer. Pour vous ce ne serait pas à prendre avec des pincettes ! Ce serait effectivement liquider tout ce que vous considérez comme «vous», moi supérieur, moi inférieur, âme, Atman conscient, subconscient etc. S’il vous vient quelque velléité, vous dites « il me faut du temps »… Alors intervient la sadhana et vous vous dites « Demain, je comprendrai»… Cette structure est née du temps et fonctionne dans le temps mais ce n’est pas dans le temps qu’elle parviendra à son terme. Si vous ne comprenez pas aujourd’hui, vous ne comprendrez pas demain. Pourquoi d’ailleurs voulez-vous comprendre ce que je dis ? Vous ne pouvez pas comprendre. C’est de votre part un exercice futile que de comparer mon mode de fonctionnement au vôtre. C’est une chose que je ne peux pas communiquer. En fait aucune communication n’est nécessaire. Aucun dialogue n’est possible. Quand le «vous» n’est pas là, quand le problème n’est pas là ce qui est, c’est la compréhension : c’est la fin du « vous », le « vous » s’en va. Vous n’écouterez plus celui qui décrit cet état et vous ne lui poserez plus de question sur la compréhension de cet état… Ce qui réintègre une personne dans son état naturel, cette personne et non telle autre, je n’en sais rien.
Peut-être est-ce inscrit dans les cellules. C’est a-causal. Ce n’est pas de votre part un acte «volontariste» vous ne pouvez pas le provoquer. Il n’y a rien que vous puissiez faire. Vous pouvez vous méfier de l’homme qui vous dit comment il a assumé cet état. Il y a une chose dont vous pouvez être sûr, c’est qu’il ne le sait pas lui-même et n’a pas la possibilité de vous le communiquer. Il y a dans la structure du corps un mécanisme de détente. Si la structure expériencielle se relâche l’autre processus prend le relais à sa manière propre. Le fonctionnement du corps est dès lors totalement différent sans l’interférence de la pensée sauf en cas de nécessité pour communiquer avec quelqu’un. Pour employer la formule du «ring», vous n’avez plus qu’à « jeter la serviette » et déclarer forfait. Personne ne peut vous venir en aide et vous ne pouvez pas vous aider vous-même.
Je n’offre aucun enseignement et jamais ne le ferai. » Enseignement » n’est pas le terme qui convient. Un enseignement implique une méthode ou un système, une technique ou un nouveau mode de pensée qui soit appliqué dans le but d’amener une transformation de votre mode de vie. Ce dont je parle est en dehors du domaine de ce qui peut être enseigné ; c’est simplement une description de la façon dont je fonctionne. Ce n’est rien d’autre que la description de l’état naturel de l’homme, c’est la façon dont vous –- une fois débarrassés des machinations de la pensée –- fonctionnez également.
Mon enseignement, si c’est le terme que vous voulez utiliser, n’a pas de copyright. Vous êtes libre de le reproduire, le distribuer, l’interpréter, le prendre à contresens, le détourner, l’embrouiller, faites ce que vous voulez et même en revendiquer la paternité, sans mon autorisation ni celle de qui que ce soit.
Ce qui m’intéresse c’est de vous montrer que vous pouvez marcher, et s’il vous plaît, jetez toutes ces béquilles. Si vous étiez vraiment handicapés, je ne vous conseillerais pas de le faire. Mais l’idée d’être un handicapé vous est imposée par les autres qui veulent vous vendre leurs béquilles. Jetez-les et vous pouvez marcher. C’est tout ce que je peux dire. » Si je tombais… » : c’est là votre peur. Abandonnez vos béquilles, et vous n’allez pas tomber.
Les gens me qualifient » d’éveillé » – je déteste ce terme – ils n’arrivent pas à en trouver d’autre pour décrire la façon dont je fonctionne. Pourtant, je souligne bien qu’il n’existe aucun éveil. Je dis cela, car toute ma vie j’ai cherché et désiré être un éveillé, et, j’ai découvert qu’il n’existe rien de tel que l’éveil, et donc, la question de savoir si untel est éveillé ne se pose pas. Je me fiche d’un Bouddha du 6è siècle, sans compter des autres prétendants qui nous entourent. Ils ne sont qu’un tas d’exploiteurs dont la prospérité dépend de la crédulité des gens. Il n’y aucun pouvoir à l’extérieur de l’homme. L’homme a créé Dieu par peur. Donc, le problème c’est la peur et non Dieu.
L’état naturel n’est pas l’état dans lequel se trouve l’homme réalisé ou divinisé, ce n’est pas quelque chose à atteindre, à accomplir ou que l’on doive faire exister ; c’est là – c’est l’état de vie. Cet état n’est autre que l’activité fonctionnelle de la vie. Par » vie » je n’entends pas quelque chose d’abstrait ; j’entends la vie des sens qui fonctionnent naturellement sans l’ingérence de la pensée. La pensée est un intrus qui s’introduit de force dans les affaires des sens. Sa motivation est le profit : elle dirige l’activité des sens pour en obtenir quelque chose et les utilise pour s’assurer de sa continuité.
Dieu est le plaisir ultime, la joie ininterrompue. Il n’existe rien de tel. Votre désir de quelque chose qui n’existe pas est la cause de votre problème. La transformation, moksha, la libération, et toutes ces balivernes ne sont que variations sur une même note : le bonheur en permanence.
Toutes vos expériences, toutes vos méditations, toutes vos prières, tout ce que vous faites, est égocentrique. Cela renforce le soi [ego], augmente son dynamisme, lui fait accumuler de la force, et donc vous emmène dans la direction opposée. Tout ce que vous faites pour vous libérer de ce soi est également égocentrique.
Il n’y a rien ici, uniquement vos données expérientielles relatives, votre vérité. Il n’existe aucune vérité objective. Rien n’existe au dehors de notre esprit ou qui soit indépendant de notre mental.
Le mental ou la pensée n’est ni votre ni mien. C’est notre héritage commun. Il n’existe rien de tel que votre mental et mon mental [en ce sens le mental est un mythe]. Il n’y a que mental ; la totalité de ce qui a été su, ressenti et expérimenté par l’homme, transmis de génération en génération. Nous pensons tous et fonctionnons tous dans cette sphère mentale, tout comme nous partageons tous la même atmosphère pour notre respiration.
On vous a dit de pratiquer l’état sans désir. Vous l’avez pratiqué pendant trente ou quarante ans, mais le désir vous assaille toujours. Donc, quelque chose ne va pas quelque part. Il n’y a rien à redire au sujet du désir ; quelque chose doit donc clocher chez celui qui vous a dit de pratiquer l’état sans désir. Il [le désir] est une réalité ; ça [l’état sans désir] est faux – il vous falsifie. Le désir est là. En tant que tel, il ne peut être mauvais, il ne peut être faux, car il est bien là.
La nature humaine est fondamentalement violente, car la pensée est violente. Tout ce qui naît de la pensée est destructif. Vous pouvez essayer de la dissimuler avec phrases merveilleuses et romantiques : » Aime ton voisin comme toi-même. » N’oubliez pas qu’au nom du » Aime ton voisin comme toi-même « , des millions et des millions de gens sont morts, en plus grand nombre que dans toutes les récentes guerres mises ensemble. Nous en sommes maintenant arrivés à un point où nous sommes capables de nous rendre compte que la violence n’est pas la bonne solution aux problèmes humains. Donc, la terreur apparaît comme l’unique possibilité. Je ne parle pas des terroristes qui font exploser des églises ou des temples et tout le reste, mais de la terreur ressentie par le fait qu’en détruisant son voisin, on pourrait se détruire soi-même. Cette réalisation est parvenue au niveau de l’homme ordinaire.
Le véritable problème, c’est la solution. Vos problèmes sont sans fin en raison des fausses solutions que vous leur avez inventés. Sans réponse, la question n’a pas lieu d’être. Elles sont interdépendantes ; vos problèmes et vos solutions vont de pair. C’est parce que vous voulez utiliser certaines réponses pour mettre fin à vos problèmes que ces problèmes sont sans fin. Les nombreuses solutions offertes par tous ces saints, les psychologues, les politiciens, ne sont pas vraiment des solutions du tout. C’est évident. Ils ne peuvent que vous exhorter d’essayer plus ardemment, de pratiquer toujours plus de méditation, de cultiver l’humilité, de vous tenir sur la tête, et encore et encore plus ; toujours dans la même veine. C’est tout ce qu’ils savent faire. Si vous rejetiez vos espoirs, vos peurs, votre naïveté et traiteriez ces types comme des hommes d’affaires, vous vous apercevriez qu’ils ne tiennent pas leurs promesses, et qu’ils ne le feront jamais. Mais, vous persévérez à gober les fausses promesses que vous proposent les experts.
Je ne peux jamais me tenir sur une plate-forme et faire une conférence. C’est trop artificiel. Discuter des choses de façon hypothétique ou abstraite est une perte de temps. Un homme en colère ne prend pas le temps de s’asseoir pour converser aimablement au sujet de la peur ; il est trop en colère pour le faire. Donc, n’allez pas me dire que vous êtes en crise ou que vous êtes en colère. Pourquoi parler de la colère ? Vous vivez, puis décédez dans l’espoir qu’un jour, d’une manière ou d’une autre, vous ne serez plus jamais en colère. Vous êtes tenaillés par l’espoir, et si cette vie vous semble trop désespérée, vous inventez une prochaine vie. Il n’y a pas d’autres vies à venir.
Cela ne m’intéresse pas de taper sur ce que d’autres ont dit [c’est trop facile] mais plutôt, d’abattre ce que je dis. Plus précisément, j’essaye d’enrayer ce que vous construisez à partir de ce que j’ai dit. C’est pourquoi je peux paraître contradictoire pour les autres. Je suis obligé, de par la nature de votre écoute, de toujours renier votre déclaration initiale avec une autre déclaration. Puis, la seconde déclaration est rejetée par une troisième, et ainsi de suite. Mon but n’est jamais une thèse dialectique confortable, mais la négation totale de tout ce qui peut être exprimé.